Auteur/autrice : corinne

2018 : l’addiction aux jeux vidéo, nouvelle maladie reconnue par l’OMS ?

L’OMS projette d’intégrer le trouble du jeu vidéo à la onzième liste de la classification internationale des maladies (CIM) qui sera publiée avant l’été. Les critères retenus sont précis. Pour être considéré comme addict, le joueur devra présenter, pendant au moins une année, trois symptômes : parvenir difficilement à contrôler son rapport au jeu, faire passer le jeu avant d’autres activités de la vie quotidienne et ne pas s’arrêter de jouer en dépit des conséquences négatives de cette activité, notamment dans sa relation aux autres. Si cette reconnaissance a pour objectif de favoriser une meilleure prise en charge de ce nouvel enjeu de santé publique, elle est loin d’être consensuelle. Certains experts considèrent en effet que le jeu vidéo n’est pas pathogène en lui-même mais constitue un terrain d’expression pour des pathologies préexistantes.

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Des Français de plus en plus accrochés à leur smartphone

Telle est la conclusion de la première étude réalisée par Bouygues Telecom (en lien avec CSA Link) dans le cadre de son « Observatoire des pratiques numériques des Français ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 43 % des adultes et 57 % des 15-25 ans laissent leur téléphone portable allumé en permanence, même la nuit. Leur téléphone occupe une place de plus en plus centrale dans leur vie, à tel point que 79 % préfèrent se passer d’alcool pendant une semaine plutôt que d’Internet et 41 % préfèrent se priver de sexe plutôt que du plaisir de surfer sur la toile ! Ces pratiques excessives sont encore plus répandues chez les jeunes. Un jeune de 15-25 ans sur quatre laisse son téléphone connecté pendant les repas de famille ou durant un spectacle. 78% des 12-14 ans sont connectés aux réseaux sociaux et l’âge moyen pour disposer de son propre téléphone portable est de 11 ans et demi. Enfin, notons que seul un parent sur deux fixe des règles pour réguler la pratique de ses enfants. De quoi faire réfléchir…

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Quels conseils pour les parents confrontés à un usage excessif des écrans par leurs ados  ?

WILLIAM LOWENSTEIN – Le premier conseil est de ne pas entrer en conflit avec ses enfants. Ensuite, il faut fixer des règles de vie communes pour lesquelles les adultes doivent montrer l’exemple. Parmi ces règles, deux me paraissent essentielles :

  • protéger les moments de partage, les temps communs : il faut donc éviter les écrans lors des réunions de famille et notamment lors des repas ;
  • « sanctuariser » les chambres pour préserver le sommeil de chacun et se protéger des ondes.

Par ailleurs, les parents doivent veiller à proposer à leurs enfants des activités ne passant pas par les écrans. Il peut être également utile pour eux d’établir un contrat avec leurs enfants à condition que celui-ci ne soit pas trop rigide, qu’il ait fait l’objet d’une négociation et ne repose pas uniquement sur des interdits. Un contrat trop rigide risquerait en effet d’être une source de conflit.

Enfin, si une psychopathologie est sous-jacente à l’usage excessif des écrans, il est indispensable de la traiter en tant que telle.

Une consommation d’écrans modérée peut-elle avoir des effets bénéfiques sur les enfants ?

SERGE TISSERON – Oui, mais à condition qu’elle s’accompagne de conditions éducatives favorables ! Dans les balises 3-6-9-12, nous mettons en avant trois principes : l’alternance des activités, avec ou sans écrans, mais aussi l’accompagnement et l’apprentissage de l’autorégulation. Il en découle quatre principes éducatifs : une consommation modérée d’écrans, bien entendu, mais aussi choisir avec l’enfant des programmes de qualité, parler avec lui de ce qu’il voit et fait avec les écrans afin d’encourager ses capacités narratives, et enfin favoriser les pratiques de création, puisque les technologies numériques en mettent maintenant à la disposition des enfants de tous âges.

D’ailleurs, de façon générale, nous devons tous apprendre à regarder les écrans en parlant de ce que nous y voyons et de ce que nous en comprenons. Pour donner à nos enfant le goût de l’échange vivant. C’est à ce moment-là que la consommation d’écran participe aux apprentissages et à la socialisation de l’enfant.

Pourquoi aucun organisme de santé publique n’a-t-il pris la parole sur les écrans jusqu’à présent ?

GERALD KIERZEK – D’abord ce phénomène est relativement récent. Ensuite, il n’existe pas de consensus scientifique sur le sujet. Usage problématique ou addiction ? La communauté scientifique est encore très partagée sur le statut à accorder à la pratique excessive des écrans. De plus, les pouvoirs publics ont d’autres priorités de santé publique sur lesquelles ils se sont engagés dans le cadre de la stratégie nationale de santé publique définie pour la période 2018/2022 : lutte contre des facteurs de risque majeurs (tabagisme, alimentation déséquilibrée, alcool) qui représentent des coûts financiers et sociaux colossaux, élargissement de la couverture vaccinale, préservation de l’efficacité des antibiotiques, amélioration de la prise en charge des maladies chroniques, développement du dépistage…

Une exposition intensive à la lumière bleue des écrans peut-elle favoriser l’apparition de pathologies oculaires comme la DMLA ou la cataracte ?

NICOLAS LEVEZIEL – Dans le spectre de la lumière, la phototoxicité diminue avec l’augmentation de la longueur d’onde. Ainsi, les ultra-violets de type B sont plus dangereux que les UV-A, plus dangereux que la lumière violette, plus dangereuse que la lumière bleue.

L’exposition prolongée à la lumière du soleil peut induire des lésions rétiniennes. Ce phénomène est souvent observé par les ophtalmologistes après une éclipse du soleil chez des individus qui n’ont pas pris de précautions (ports de filtres solaires) en observant l’éclipse. A partir de l’âge adulte, le cristallin filtre la quasi-totalité des UV-B et des UV-A mais laisse passer la lumière bleue.

La DMLA est une maladie multifactorielle complexe dont les principaux facteurs de risque actuellement identifiés sont des facteurs de susceptibilité génétiques et des facteurs environnementaux, le plus importants parmi ceux-ci étant le tabagisme. Les études recherchant un lien entre l’exposition solaire et la DMLA conduisent à des résultats parfois contradictoires, certaines retrouvant une association et d’autre n’en retrouvant pas. La majorité de ces études s’appuient néanmoins sur des questionnaires qui ne permettent pas de connaitre avec précision le degré d’exposition solaire des individus participant à ces études.

La cataracte, comme la DMLA, et une pathologie principalement liée à l’âge. Les autres principaux facteurs de risque identifiés par les études sont le diabète, l’asthme et la bronchite chronique, les pathologies cardiovasculaires, les traitements prolongés par corticostéroïdes, certaines maladies génétiques (maladie de Steinert, trisomie 21), les antécédents de traumatisme oculaire et l’exposition solaire. Dans l’exposition solaire, les UV-B, plus énergétiques que les UV-A sont les plus incriminés.

Dans ces pathologies qui apparaissent généralement après 60 ans, l’exposition prolongée à des facteurs de risque finit par induire la maladie. Par conséquent, une exposition dans l’enfance ou pendant l’adolescence, période pendant laquelle la protection contre les UV par le cristallin est largement insuffisante, pourra prédisposer à l’apparition de ces pathologies plusieurs décennies plus tard.

La lumière bleue naturelle ou des écrans, n’étant que partiellement stoppée chez les adultes par le cristallin devenu opalescent, peut donc en théorie constituer un risque potentiel de DMLA qui n’est cependant pas établi à ce jour. Dans le cadre de la cataracte, ce risque parait négligeable comparativement à l’exposition aux UV.

En quoi une surconsommation d’écrans peut-elle nuire à notre cerveau ?

PIERRE-MARIE LLEDO – Il faut tout d’abord définir la notion d’écrans. Ce n’est pas tant le contenant (le support) mais le contenu qui peut poser problème à notre cerveau. De façon générale, l’usage du digital peut nuire au cerveau à trois niveaux :

  • sur le cerveau en développement (enfants) ;
  • sur le cerveau adulte ;
  • sur le cerveau social (relation à l’altérité).

Sur le cerveau en développement

Il existe des périodes dites « critiques » durant le développement du cerveau qui correspondent à l’existence d’une fenêtre temporelle durant laquelle le câblage nerveux se met en place pour que le cerveau acquière les pièces indispensables à son fonctionnement puis à sa forme finale. A ce stade du développement cérébral, l’expérience sensorielle est cruciale. Si au cours de ces périodes, le cerveau de l’enfant n’est pas stimulé, on aura du mal à combler ce manque ultérieurement. C’est en particulier vrai au plan visuel. Dans les premières années de la vie, le système visuel se met en place et a besoin d’un large spectre de stimuli, d’une vision à « grand angle » pour se développer. Le fait de restreindre sa vision à quelques dizaines de degrés dans le cadre d’une activité sur écrans peut alors être néfaste si l’exposition aux écrans est soutenue. D’où l’importance de demander aux enfants d’interrompre, de temps à autre, leurs activités sur écrans et de lever la tête pour regarder l’horizon et élargir leur angle visuel.

Mais au-delà de son impact négatif sur le champ visuel, la surconsommation d’écrans chez les enfants peut nuire également à la mise en place du cerveau empathique. Certains jeux vidéo notamment ceux où l’on peut assaillir l’ennemi et lui faire du mal aisément peuvent entrainer des écueils sur la mise en place des différentes formes d’empathie qui accompagnent le développement de l’enfant.

Sur le cerveau adulte

Le premier danger lié à une surconsommation d’écrans chez l’adulte est celui de l’attention multitâche. Lors des activités sur écrans, le cerveau peut être attiré par des sources d’information plurielles et volatiles et aura du mal à se focaliser sur une dimension particulière. A terme, c’est un danger qui menace la santé mentale du sujet surexposé aux écrans, et en particulier un risque non négligeable de connaître des troubles de l’humeur (anxiété, dépression, etc.).

Le deuxième danger est celui d’un surdéveloppement d’une attention réactive (attention qui est fournie en réaction aux sollicitations de l’environnement), avec en contrepartie un défaut dans l’attention introspective. Lorsque nous consommons beaucoup d’écrans, notre cerveau est davantage sollicité par l’environnement et nous sommes moins à l’écoute de nous-même.

Sur le cerveau social

Le danger qui menace le sujet surexposé aux écrans est l’isolement social. Or, l’interaction avec autrui est la principale source qui stimule notre cerveau car ce dernier se comporte comme une véritable chambre d’écho de l’alter ego.

Quels conseils suivre pour que les écrans restent un allié de notre cerveau et ne deviennent pas leur pire ennemi ?

PIERRE-MARIE LLEDOEn matière de pratique des écrans, le maître mot reste la modération. Il faut prendre conscience de deux dangers qui nous menacent :

  • la perte des repères temporels : notre notion du temps est altérée en cas de surconsommation d’écrans. Le temps devient continu et le risque est que l’on s’isole, que l’on néglige sa santé, sa vie. Pour limiter les risques de perte de contrôle, il faut donc réintroduire des marqueurs de temps en utilisant par exemple des alarmes pour nous aider à interrompre nos activités sur écrans de temps à autre ;
  • l’appauvrissement de la relation à autrui : si les écrans peuvent rapprocher des personnes qui vivent à des milliers de kilomètres l’une de l’autre, ils peuvent également contribuer à un rétrécissement au plan social, un appauvrissement relationnel en cas de pratique excessive. D’où la nécessité de s’imposer des moments de rencontres physiques, en présentiel, et de prolonger les rencontres virtuelles par des rencontres de visu.

Enfin, je terminerai en rappelant qu’il ne faut pas être passéiste en pensant que c’était mieux avant. Le développement des nouvelles technologies constitue une formidable opportunité pour l’humanité. Tout l’enjeu est alors de rester dans un usage éclairé pour éviter que cette opportunité ne se transforme en menace.

A quel moment devient-il nécessaire de consulter ?

WILLIAM LOWENSTEIN – Il devient nécessaire de consulter lorsque l’on se trouve face à différents signes d’alerte comme des troubles du sommeil, des troubles de l’humeur, un décrochage scolaire, un isolement, une incapacité à se passer de son téléphone et in fine, une forme de sclérose. En tant que médecin, nous devons nous interroger sur la souffrance du patient et le rôle joué par les écrans dans cette souffrance.

Quel peut être le rôle des réseaux sociaux dans la diffusion d’une culture de l’usage modéré des écrans ?

GERALD KIERZEK – Il serait illusoire et surtout contre-productif de refuser le progrès ou de prôner le « zéro écran ». Il faut au contraire, et paradoxalement- utiliser les réseaux sociaux et plus largement les nouveaux médias (applications téléphones…), c’est-à-dire les usages des écrans qui peuvent eux-mêmes poser problème, pour diffuser des messages de sensibilisation avec des codes de communication adaptés. L’avantage est qu’en utilisant ces vecteurs de communication, on obtient le meilleur ciblage possible et surtout on a la garantie de toucher une population ultra connectée.