Selon le principe énoncé par Ledermann, chercheur statisticien à l’INED, plus un outil est répandu, plus le nombre de personnes ayant un rapport pathologique à cet objet risque d’être élevé. Pas étonnant, dès lors, dans un pays qui compte plusieurs millions d’utilisateurs des écrans, qu’une part d’entre eux puissent en développer une pratique excessive, voire pathologique.

Pour autant, le niveau de risque est-il le même pour tout le monde ? Avons-nous tous la même vulnérabilité face aux écrans ? Ou certains facteurs prédisposent-ils à devenir dépendants ?

L’usage excessif des écrans comme solution aux difficultés quotidiennes

Pour un grand nombre d’individus ayant un problème avec les écrans (écrans connectés ou télévision), ces derniers jouent un rôle d’échappatoire, de refuge : ils permettent de fuir une réalité perçue comme pesante et sont vécus comme des moyens de compensation, comme des solutions aux difficultés rencontrées dans la vie quotidienne.

Les jeux vidéo permettent quant à eux à certains joueurs de dépasser un complexe d’infériorité, de se sentir valorisé grâce aux victoires accumulées et aux encouragements des autres joueurs en ligne.

Mais les formes principales de compensation concernent la sphère sociale. Les échanges sur Internet permettent de multiplier les contacts, de lever bon nombre d’inhibitions, de trouver une forme de tolérance et d’indulgence dans le rapport à l’autre pour certaines personnes introverties souffrant d’avoir peu d’amis dans la vie réelle.

La surconsommation d’Internet peut servir de moyen pour échapper à un quotidien ennuyeux, routinier et pour retrouver une forme d’excitation, de plaisir intense.

Quels sont les profils les plus à risque ?

Sad man checking mobile phone

S’il n’existe pas de consensus sur le profil type de la personne ayant un usage problématique des écrans interactifs, certains paramètres individuels joueraient un rôle, notamment :

  • le sexe : les hommes seraient plus exposés au risque d’avoir une pratique excessive de ces écrans que les femmes ;
  • l’âge : les personnes jeunes (de moins de trente ans notamment) seraient plus vulnérables que les plus âgées. L’adolescence est en particulier une période propice au développement d’usages excessifs des écrans. D’abord en raison de l’impossibilité, physiologique à cet âge, de contrôler certaines impulsions ; mais aussi parce qu’apprendre à utiliser toutes les possibilités des outils numériques prend beaucoup de temps. Mais pour une majorité d’utilisateurs, cet usage « excessif » cesse lorsqu’ils atteignent l’âge adulte.

D’un point de vue psychologique, un certain nombre d’experts s’accordent à dire que les écrans ne créeraient pas de comportements pathologiques mais contribueraient à révéler voire à aggraver des pathologies existantes. Environ 86% des personnes ayant une pratique excessive des écrans souffriraient ainsi d’une pathologie mentale reconnue dans les classifications internationales.

Même si l’on ne peut, fort heureusement, pas parler de caractère systématique, certains facteurs psychologiques ou troubles mentaux prédisposeraient donc les individus à adopter une pratique excessive des écrans, parmi lesquels :

  • la solitude qui est souvent mentionnée comme un facteur de vulnérabilité majeur face aux écrans de même que les périodes de rupture (chômage, deuil, divorce…) ;
  • le manque d’estime de soi : la plupart des personnes ayant un usage problématique des écrans souffrent d’une image de soi défaillante. Internet joue alors un rôle de réparateur en leur permettant de s’exprimer plus facilement. L’absence de contact physique ou visuel avec l’autre a un caractère libérateur. La personne se sent moins intimidée, moins à même d’être jugée et plus en confiance pour exprimer ce qu’elle ressent ;
  • la timidité ou l’inhibition sociale : les introvertis seraient plus vulnérables que les extravertis ;
  • les troubles de l’humeur (anxiété, dépression) ;
  • les troubles bipolaires ;
  • les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ;
  • les troubles de la personnalité : un individu ayant une personnalité paranoïaque peut ainsi utiliser Internet pour projeter ses délires de persécution et de violence. L’utilisation des réseaux sociaux peut par ailleurs nourrir une personne souffrant d’un trouble de personnalité narcissique et aggraver son trouble par la valorisation de soi et l’augmentation du nombre d’amis virtuels inhérentes aux réseaux sociaux ;
  • la phobie sociale : en utilisant Internet, certaines personnes n’ont plus besoin de sortir pour communiquer, ni d’affronter les autres.

Par ailleurs une pratique excessive des écrans peut parfois cacher ou révéler une addiction à d’autres produits (alcool, médicaments…).