SERGE TISSERON – Non, ce sont eux qui sont les mieux placés pour en bénéficier ! Mais il faut les avoir mis en garde auparavant, leur avoir expliqué le droit à l’intimité et le droit à l’image, et aussi les trois pièges d’Internet : tout ce qu’on y met peut tomber dans le domaine public, tout ce qu’on y met peut y rester éternellement et il ne faut pas croire tout ce qu’on y trouve.
A partir de là, il existe un bon usage des réseaux sociaux, et aussi un mauvais usage. Tout d’abord, 80 % de l’activité sur Facebook consiste à parler de soi, et cela participe à la fois à la construction de l’identité et à la socialisation. C’est ce que j’ai appelé en 2001 le désir d’extimité, pour désigner la façon dont nous cherchons toute notre vie à faire valider par des témoins des parties de nous-mêmes jusque-là gardées secrètes. En pratique, le bon usage des réseaux sociaux est celui qui consiste à prolonger l’atmosphère de la cour de récréation : on se raconte des histoires, des potins, on se donne des preuves d’amitié plus ou moins authentiques… Tout cela prépare à une bonne gestion ultérieure des relations sociales. Mais il existe aussi un mauvais usage des réseaux sociaux. C’est lorsque la recherche de la comparaison sociale prend le pas sur tout le reste : le désir de comparer son réseau social à celui des autres crée un cercle vicieux, car celui qui cherche sur Internet à construire son estime de lui-même n’y parvient jamais. Et il a été montré que les enfants qui sont tentés d’adopter cette attitude sont ceux qui sont en souffrance de reconnaissance sociale dans leur famille et leurs relations de proximité.