SERGE TISSERON – Un rôle majeur. Tout d’abord, il est essentiel que les enfants, dès l’école primaire, soient invités à comprendre le fonctionnement du numérique : l’histoire des machines (à commencer par la machine à calculer de Pascal), des algorithmes, du langage de programmation (à commencer par « Scratch », disponible gratuitement sur Internet), et des lois de l’information.
Parallèlement, les enfants gagneront à être sensibilisés à l’influence des écrans sur eux. C’est l’objectif du livret pédagogique « Le Cerveau, les écrans et l’enfant » que La Main à la pâte a conçu pour les élèves de CM1 et CM2, et qui a été lancé en janvier 2013.
En troisième lieu, cette éducation portera aussi sur les devoirs et les droits sur internet. C’est ce qu’on appelle la citoyenneté numérique. Trop d’adolescents ignorent les répercussions possibles de la mise en ligne de photographies, lors de la recherche ultérieure d’un travail. Cette éducation implique aussi la connaissance de tous les pièges qui sont sans cesse tendus sur Internet : publicités cachées, harcèlements plus ou moins explicites, plagiats, fake news, faux sites gratuits, etc.
Enfin, il est essentiel d’expliquer dès sept ans les modèles économiques et marketing d’Internet : jeux vidéo, Facebook, Google, Skype, Youtube, etc. Car il y aurait un grand risque à leur laisser croire que les services – bien réels – qu’Internet nous rend sont sans contrepartie, autant dire « gratuits ». Le risque dans l’utilisation de l’Internet ne vient pas seulement de ce que la personne peut y révéler d’elle-même. Les médias numériques collectent et exploitent à notre insu toutes les traces que nous laissons ou que d’autres laissent à notre sujet. L’éducation doit sensibiliser nos enfants au fait qu’Internet est aussi un gigantesque marché dans lequel les jeunes représentent, en tant qu’utilisateurs, une source de revenus dont on cherche à tirer parti par tous les moyens, sans aucune préoccupation éducative.