GERALD KIERZEK – Il serait illusoire et surtout contre-productif de refuser le progrès ou de prôner le « zéro écran ». Il faut au contraire, et paradoxalement- utiliser les réseaux sociaux et plus largement les nouveaux médias (applications téléphones…), c’est-à-dire les usages des écrans qui peuvent eux-mêmes poser problème, pour diffuser des messages de sensibilisation avec des codes de communication adaptés. L’avantage est qu’en utilisant ces vecteurs de communication, on obtient le meilleur ciblage possible et surtout on a la garantie de toucher une population ultra connectée.
Quels sont les risques d’une exposition forte à la lumière bleue des écrans pour les enfants ?
NICOLAS LEVEZIEL – Une société française spécialisée dans les lasers et leurs applications médicales et industrielles (société OSYRIS) a informé à juste raison l’Institut de veille sanitaire en décembre 2007, des possibles impacts des LED sur la rétine.
L’exposition à la lumière bleue des écrans chez l’enfant pourrait théoriquement avoir des effets délétères à long terme sur la rétine si celle-ci est prolongée et si la luminance de l’écran est importante. Selon la norme NF EN 62471 relative à la sécurité photobiologique des lampes et des appareils utilisant des LED, il semble que le risque reste faible (source : ANSES 2010).
Une exposition excessive peut également entraîner des perturbations des rythmes circadiens. En effet, les cellules ganglionnaires de la rétine, sensibles à une partie du spectre de la lumière bleue, transmettent l’essentiel des informations lumineuses aux centres non visuels suprachiasmatiques de l’hypothalamus, principal chef d’orchestre des rythmes circadiens. Une dérégulation des rythmes circadiens peut favoriser la dépression, l’insomnie, les pathologies cardio-vasculaires, les troubles cognitifs, l’inflammation et le diabète.
En outre, l’utilisation des écrans diminue le réflexe de clignement qui permet de protéger la cornée en homogénéisant le film lacrymal. Un travail prolongé sur écran peut donc entraîner une irritation de la cornée, voir des lésions de l’épithélium cornéen (kératite) liées à une évaporation excessive des larmes altérant le film lacrymal.
Dans ce contexte, il faudra veiller à limiter l’utilisation des écrans dans la journée chez les enfants, diminuer la luminance de ceux-ci et éloigner l’écran à au moins 50 cm.
Peut-on parler d’addiction aux écrans au sens neurochimique du terme ?
PIERRE-MARIE LLEDO – Pour tous les psychiatres et neuroscientifiques, l’usage des écrans ne saurait être considéré comme un comportement addictif pour deux raisons :
- l’abstinence n’entraîne ni changement physiologique ni souffrance, comme c’est le cas pour d’autres addictions (toxicomanie par exemple) ;
- il n’existe pas de risque de rechute : quand on est guéri de l’usage de stupéfiants par exemple, la simple exposition à un contexte festif peut suffire pour entraîner une rechute. Ce n’est pas le cas pour l’usage des écrans. Il n’y a pas de phénomène de réactivation de la mémoire, de rechute dans une pratique excessive en fonction du contexte social ou de l’environnement.
Quand certains parlent de comportement addictif pour les écrans, il s’agit donc plus d’un raccourci lié à une préoccupation de santé publique que d’une réalité médicale.