PIERRE-MARIE LLEDO – Il faut tout d’abord définir la notion d’écrans. Ce n’est pas tant le contenant (le support) mais le contenu qui peut poser problème à notre cerveau. De façon générale, l’usage du digital peut nuire au cerveau à trois niveaux :
- sur le cerveau en développement (enfants) ;
- sur le cerveau adulte ;
- sur le cerveau social (relation à l’altérité).
Sur le cerveau en développement
Il existe des périodes dites « critiques » durant le développement du cerveau qui correspondent à l’existence d’une fenêtre temporelle durant laquelle le câblage nerveux se met en place pour que le cerveau acquière les pièces indispensables à son fonctionnement puis à sa forme finale. A ce stade du développement cérébral, l’expérience sensorielle est cruciale. Si au cours de ces périodes, le cerveau de l’enfant n’est pas stimulé, on aura du mal à combler ce manque ultérieurement. C’est en particulier vrai au plan visuel. Dans les premières années de la vie, le système visuel se met en place et a besoin d’un large spectre de stimuli, d’une vision à « grand angle » pour se développer. Le fait de restreindre sa vision à quelques dizaines de degrés dans le cadre d’une activité sur écrans peut alors être néfaste si l’exposition aux écrans est soutenue. D’où l’importance de demander aux enfants d’interrompre, de temps à autre, leurs activités sur écrans et de lever la tête pour regarder l’horizon et élargir leur angle visuel.
Mais au-delà de son impact négatif sur le champ visuel, la surconsommation d’écrans chez les enfants peut nuire également à la mise en place du cerveau empathique. Certains jeux vidéo notamment ceux où l’on peut assaillir l’ennemi et lui faire du mal aisément peuvent entrainer des écueils sur la mise en place des différentes formes d’empathie qui accompagnent le développement de l’enfant.
Sur le cerveau adulte
Le premier danger lié à une surconsommation d’écrans chez l’adulte est celui de l’attention multitâche. Lors des activités sur écrans, le cerveau peut être attiré par des sources d’information plurielles et volatiles et aura du mal à se focaliser sur une dimension particulière. A terme, c’est un danger qui menace la santé mentale du sujet surexposé aux écrans, et en particulier un risque non négligeable de connaître des troubles de l’humeur (anxiété, dépression, etc.).
Le deuxième danger est celui d’un surdéveloppement d’une attention réactive (attention qui est fournie en réaction aux sollicitations de l’environnement), avec en contrepartie un défaut dans l’attention introspective. Lorsque nous consommons beaucoup d’écrans, notre cerveau est davantage sollicité par l’environnement et nous sommes moins à l’écoute de nous-même.
Sur le cerveau social
Le danger qui menace le sujet surexposé aux écrans est l’isolement social. Or, l’interaction avec autrui est la principale source qui stimule notre cerveau car ce dernier se comporte comme une véritable chambre d’écho de l’alter ego.