« Tout excès nuit ». Ce célèbre adage trouve une résonance particulière lorsqu’il s’agit des écrans.
En effet, s’ils sont généralement utilisés pour procurer bien-être, liberté et plaisir, les écrans peuvent générer de nombreux désordres au plan physique, psychologique et social, en cas de pratique excessive.
Tour d’horizon des principaux dangers liés à l’hyperconnexion…
Trop d’écrans : un impact sur le plan, psychologique et social
Si les écrans rapprochent les gens à travers le monde via notamment les réseaux sociaux, ils peuvent en même temps générer un éloignement physique : les hyperconnectés tendent à se replier sur eux-mêmes, à se couper du réel pour se réfugier dans le monde virtuel, à se désintéresser de tout ce qui est extérieur aux écrans, à se désinvestir de la relation avec leurs proches, la mettant ainsi en danger. Les écrans deviennent centraux dans leur vie au détriment de tout le reste. Le premier risque lié à une pratique excessive des écrans est donc un risque de désocialisation qui contribue à augmenter les risques dépressifs, et peut compromettre une carrière ou des études.
S’ils ont un impact au plan social, les écrans peuvent aussi avoir des conséquences négatives sur la santé mentale notamment lorsque l’individu dépasse un niveau de « consommation acceptable ». Une surconsommation peut ainsi générer de la culpabilité. A contrario un éloignement des écrans peut générer chez l’individu hyperconnecté de la tristesse, un sentiment de vide, de l’anxiété, voire un mal être pouvant déboucher sur un comportement agressif. Pour faire face à ce sentiment de mal être, il n’a pas d’autre choix alors que de se reconnecter, entrant ainsi dans un cercle vicieux ou le manque d’écrans génère un malaise qui est compensé par une surconsommation d’écrans.
Une pratique excessive des écrans aurait également un impact sur le stress, les troubles de l’humeur et l’hyperactivité.
Toute la difficulté réside dans le fait de savoir si ce sont les écrans qui génèrent ce type de troubles ou si ces troubles préexistent, entretenant le besoin irrépressible de se connecter.
Trop d’écrans, des effets délétères sur la santé ?
Un usage abusif et incontrôlable des écrans peut aussi avoir un retentissement majeur sur la santé, entraînant différents problèmes :
- des mauvaises postures prolongées pouvant être sources de douleurs voire déclencher des troubles musculo-squelettiques (TMS) qui affectent principalement les muscles et tendons de la région lombaire, de la nuque, des épaules, des poignets et des mains. On estime ainsi que 5 % des TMS en France seraient dus au travail sur écran ;
- des déséquilibres alimentaires pouvant à terme favoriser l’apparition de problèmes de perte de poids, de surpoids ou d’obésité : selon une étude menée sur cinq ans par des chercheurs du National Institutes of Health (NIH) auprès de 43 722 femmes âgées de 35 à 74 ans, celles qui avaient pour habitude de s’endormir devant la télévision ont pris en moyenne cinq kilos en cinq ans et avaient 30 % de risques en plus de devenir obèses. En cause notamment l’exposition à la lumière artificielle la nuit qui peut altérer différents processus biologiques (notamment le système hormonal) et augmenter le risque d’obésité ;
- un manque d’activité physique qui, associé à une alimentation déséquilibrée, augmente significativement le risque cardio-vasculaire ;
- des troubles du sommeil : les activités nocturnes sur écrans peuvent en effet empiéter sur le temps de sommeil, ce qui peut à terme dérégler le rythme biologique et générer un épuisement et une fatigue chronique. De même, la lumière bleue émise par les écrans bloque l’hormone du sommeil et stimule l’éveil ;
- une fatigue visuelle (pour en savoir plus, voir « Quels risques pour vos yeux ? »);
- des maux de tête, etc.
Écrans et sédentarité, attention danger !
La sédentarité qui correspond aux situations passées en position assise ou allongée (en-dehors du sommeil et des repas) ne cesse de progresser notamment au sein de la population féminine. Selon l’étude Esteban menée par Santé Publique France en 2015, 22 % des femmes cumulent sédentarité et inactivité physique contre 17 % des hommes. Et, seulement 53 % des femmes atteignent les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé en matière d’activité physique, contre 70 % des hommes.
Cette forte sédentarité est corrélée à un usage important des écrans : en 2006, en dehors de l’activité professionnelle, la population adulte déclarait passer en moyenne 3 heures et 10 minutes par jour devant un écran, contre 5 heures et 07 minutes en 2015, soit une augmentation de + 53 %.
Or, il est aujourd’hui bien établi que la sédentarité nuit à la santé et à l’espérance de vie. Elle fait partie des 10 facteurs de risque de mortalité dans le monde. Elle est un facteur de risque majeur de maladies non transmissibles telles que les maladies cardio-vasculaires, le cancer et le diabète.
L’immense risque de ce début de XXIe siècle, qui vaut pour les hommes et les femmes, mais encore plus semble-t-il pour les femmes, c’est cette sédentarisation par le biais d’une communication qui est de plus en plus immobilisatrice.
Jean Francois Toussaint, professeur de physiologie et directeur de l’Irmes.
Écrans : Quels effets sur notre sommeil ?
Comme le montrent les études récentes, nous dormons de moins en moins. Pour la première fois en 2017, la durée moyenne de nos nuits est passée sous la barre symbolique des 7 heures. Si l’évolution de nos modes de vie permet d’expliquer ce déficit croissant de sommeil (augmentation des temps de trajet, hausse du travail de nuit, stress…), les écrans ne sont pas en reste. Ordinateurs, télévision, tablettes, smartphones occupent une place de plus en plus importante dans nos vies et dans nos soirées, au détriment de notre sommeil. Selon l’Enquête INSV/MGEN 2019 « Modes de vie et sommeil », 44 % des Français surfent sur Internet ou les réseaux sociaux et 44 % regardent la télévision, au lit le soir avant de s’endormir. Or cette habitude augmente le risque d’être somnolent durant la journée ou de souffrir de troubles du sommeil.
En effet, l’impact négatif des écrans sur le sommeil est aujourd’hui bien établi :
- la lumière bleue émise par les écrans contribue à bloquer la production de mélatonine et favorise ainsi l’éveil, même à des niveaux faibles d’exposition ;
- les activités sur écrans maintiennent notre cerveau dans un état d’excitation intellectuelle peu propice à l’endormissement.
Écrans : Quel impact sur notre cerveau ?
Un nombre croissant d’études montre que la pratique des écrans modifierait le fonctionnement de notre cerveau. Pour autant ces modifications ne sont pas nécessairement néfastes. Comme le précise le Professeur Pierre-Marie Lledo, directeur du département des Neurosciences à l’institut Pasteur et membre de notre Observatoire sur le bon usage des écrans « l’avènement du digital permet à notre cerveau de s’améliorer en externalisant certaines fonctions cognitives. Déléguer certaines tâches au monde digital nous permet de concentrer notre activité mentale sur d’autres tâches que le numérique ne peut pas exécuter à notre place, comme la possibilité de prendre des décisions basées sur nos émotions (décisions intuitives) et non la raison. Les écrans peuvent donc être un atout pour notre cerveau et sont déjà d’excellents outils en matière d’éducation ou d’amélioration du cerveau sain et de remédiation du cerveau malade. »
Pour autant, il convient de rester dans un usage modéré car toute pratique excessive peut entraîner trois types de risques pour le cerveau comme le rappelle le Professeur Lledo :
- Pour le cerveau en développement des enfants: il existe des périodes dites « critiques » durant le développement du cerveau qui correspondent à l’existence d’une fenêtre temporelle durant laquelle le câblage nerveux se met en place pour que le cerveau acquière les pièces indispensables à son fonctionnement puis à sa forme finale. A ce stade du développement cérébral, l’expérience sensorielle est cruciale. Si au cours de ces périodes, le cerveau de l’enfant n’est pas stimulé, on aura du mal à combler ce manque ultérieurement. C’est en particulier vrai au plan visuel. Dans les premières années de la vie, le système visuel se met en place et a besoin d’un large spectre de stimuli, d’une vision à « grand angle » pour se développer. Le fait de restreindre sa vision à quelques dizaines de degrés dans le cadre d’une activité sur écrans peut alors être néfaste si l’exposition aux écrans est soutenue. D’où l’importance de demander aux enfants d’interrompre, de temps à autre, leurs activités sur écrans et de lever la tête pour regarder l’horizon et élargir leur angle visuel. Mais au-delà de son impact négatif sur le champ visuel, la surconsommation d’écrans chez les enfants peut nuire également à la mise en place du cerveau empathique. Certains jeux vidéo notamment ceux où l’on peut assaillir l’ennemi et lui faire du mal aisément peuvent entraîner des écueils sur la mise en place des différentes formes d’empathie qui accompagnent le développement de l’enfant.
- Pour le cerveau adulte : le premier danger lié à une surconsommation d’écrans chez l’adulte est celui de « l’attention multitâche ». Lors des activités sur écrans, le cerveau peut être attiré par des sources d’information plurielles et volatiles et aura du mal à se focaliser sur une dimension particulière. A terme, c’est un danger qui menace la santé mentale du sujet surexposé aux écrans, et en particulier un risque non négligeable de connaître des troubles de l’humeur (anxiété, dépression, etc.). Le deuxième danger est celui d’un surdéveloppement d’une attention réactive (attention qui est fournie en réaction aux sollicitations de l’environnement), avec en contrepartie un défaut dans l’attention introspective. Lorsque nous consommons beaucoup d’écrans, notre cerveau est davantage sollicité par l’environnement et nous sommes moins à l’écoute de nous-même.
- Pour le cerveau social: le danger qui menace le sujet surexposé aux écrans est l’isolement social.